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HEBDO du 14/12/2001 |
Sept personnages
en quête de mort
Venu du théâtre, Michel Vittoz se lance dans une série de sept romans:
"La conversation des morts".
Le tome 1 donne une idée de l’ambiance. A la veille de la Seconde Guerre, les
vivants et les morts jouent
un chassé-croisé où la politique, la séduction et la métaphysique font bon
ménage. Non sans humour,
L’un
des sept personnages
principaux de ce roman, Bruno
Giuliani - dit Gros Djoé -
meurt apparemment dès la
page 11.
La scène rappelle Bergman,
l’auteur ne s’en cache pas: un notable
capricieux et infantile joue les bébés. II
veut son gros câlin dans les bras d’une |
nées.
Le montage en est efficace. On y
retrouve certaines leçons du cinéma et
la forte « présence » propre au théâtre
dont Michel Vittoz est un habitué: il a
contribué, avec Daniel Mesguich, à
l’étonnante adaptation du Grand
Ma-
cabre, opéra de Gyorgy
Ligeti d’après
Michel de Ghelderode (1981). On lui |
fuite s’appelle
Tommaso Giuliani. Les
fascistes le bastonnent sauvagement.
Mais à l’heure de mourir, en plein so-
leil, le nez dans la
poussière de Pavie,
voici que..
On arrête là. Il
faudrait ici dire com-
ment apparaissent les
mysterieuses et
séduisantes femmes qui, chez Michel |
vieille
demoiselle à la superbe poitrine.
Et c’est alors que le
temps (la mort?)
l’emporte vers un cercle de souvenirs.
Le lecteur se retrouve à la fin des an-
nées 1930. Il
fait beau sur le jardin d’un
grand établissement des Vosges, près de
Vittel. Voici l’institut Giuliani, hôtel spé-
cialisé dans l’heureuse
fin des incu-
rables. Enfant de la
maison, le jeune Bruno
Giuliani combat sur la pelouse des en-
nemis invisibles, c’est
de son âge. Mais
ses imprécations provoquent, ou sem-
blent provoquer, la chute spectaculaire
d’une des cheminées de la belle de-
meure, manquant de le tuer.
Avant de
s’évanouir Bruno-Gros Djoé voit pa-
raître, aux fenêtres ou
sur la terrasse, les
autres personnages principaux du ro-
man, saisis en un coup d’oeil
à l’instant
où ils se précipitent pour voir ce qui se |
|
passe.
Parmi eux, le très vieux jardinier:
Elie, spécialiste des codes, chiffres et
autres computs. On n’en est qu’à la
page 17...
Dès la
page 18, nous
voici dans la jeu-
nesse d’Elie, bien avant
la guerre de
1914. Le lecteur comprend bientôt que
le temps et les souvenirs sont, dans ce
livre, une étrange machine. Ils ne se
mettent en marche qu’au moment
presque insaisissable où l’on passe de la
vie à la mort. Et court-circuitent la fin
- créant pour ainsi dire un - "long-cir-
cuit". A savoir: ce livre, L’institut Giu-
liani, second roman
de Michel Vittoz
(né en 1946), et premier d’une série de
sept volumes qui portera le titre géné-
ral La Conversation des
Morts. Morts
d’une grande vitalité, si I'on en juge par
les rebondissements de l’action.
Pour
une telle entreprise, les pre-
mières pages sont
capitales. Elles ins-
tallent non seulement les
personnages,
mais les thèmes, Ies images cycliques et
les lieux qui permettent
au lecteur de
comprendre le fonctionnement de I’ob-
jet. Premières pages ici
très bien me- |
doit
également, au fil d’une longue
collaboration avec Alain Françon, la tra-
duction de l’imposante
trilogie des
Pièces de guerre (1994)
d’Edward Bond
qui paraissent avoir contribué à son
goût pour les grandes formes.
II faut toutefois au lecteur suivre en-
core le très vieux
jardinier Elie pour dé-
couvrir précisément la
règle du jeu qui
gouvernera les sept volumes. Elle se
trouve dans un petit poème attribué au
philosophe néoplatonicien Jamblique et
dans une suite de chiffres attribuée à
l’un de ses commentateurs, Damascius
(Ve siècle de notre ère), l’un des der-
niers païens. Celui-ci
affirmait que
"Dieu
accordait à chaque homme la fa-
calté de savoir le
jour de sa mort". Ces
éléments sont transcrits
sur un feuillet
oublié entre deux pages d’un livre. Elie
consulte ce livre le 4 août 1924 à
l’ombre d’une bibliothèque de Pavie.
L’auteur de ce feuillet - quel ha-
sard... - se fait au même moment
courser par des chemises noires dans
les rues de Pavie, non loin de la biblio-
thèque où se trouve Elie. L’homme
en |
Vittoz,
gerent l’instant fatal. Elles joue-
ront un grand rôle dans la
tenue de
l’institut que le presque-mort
Tomma-
so Giuliani
vouera aux futurs mourants.
Elles comptent parmi les figures les
plus captivantes de cette étonnante
aventure située dans un monde qui
bascule vers la Seconde Guerre. Elles ré-
pondent, comme il se doit, au
code du
mystérieux feuillet de Pavie, fondé sur
les chiffres 7 et 13.
Attrayant, plein d’humour, volontiers
romanesque mais jamais bavard, le ro-
man de Michel Vittoz relève
d’un « réa-
lisme magique » rare dans la
littérature
française. II impose un ton, des ambi-
tions et des inventions qui
font attendre
la suite.
JEAN-MAURICE DE MONTREMY
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